La jeunesse de Johnny

La mort de Johnny Hallyday est l’occasion de relire l’article qu’avait publié Claudie Challier*, sous le pseudonyme Iseult , dans Encrage, revue culturelle havraise.  On y attendait pas que l’intelligentsia parisienne dise ce qu’il fallait penser, pour oser y affirmer son opinion et analyser un phénomène. On était à la fin des années 1970. L’article aurait pu être signé hier.

« Oh, Johnny

La saison culturelle municipale nous offre plusieurs soirées en compagnie de… Mais pas de Johnny. Je voulais Johnny. Parce qu’il est beau. Grand et blond. C’est un pur sang. Johnny et sa crinière moutonne jusque l’encolure. Il est svelte et racé. (Depardieu est gras et vulgaire). Quand il se cabre en étreignant le micro, il déclenche en moi des sensations hyperboliques et une dissolution extatique. Il m’électrise, Johnny. Tel Aragon respirant Elsa, je respire l’odeur d’aisselle blonde et, telle Véronique, je voudrais éponger le visage ruisselant de sueur. Je garderai longtemps le précieux linge.

J’aime Johnny pour les points communs que nous avons. (cf Goethe Les Affinités électives). Gémeaux tous les deux. Nés sous le signe de l’adolescence et de Mercure, le voyageur ailé. On a démarré ensemble, lui à la scène, moi à la fac. Pas de fossé des générations entre nous. Nés un 15 juin tous les deux. Mon frère. Chacun sait que l’inceste donne du piquant à l’amour. Un an avant moi, il a vu le jour. C’est bien. L’homme un peu plus âgé que la femme. Il la protège.

J’aime Johnny. Grâce lui, je renoue avec la sémiologie et je cerne mieux Le degré zéro de l’écriture. A l’égal de Barthes, c’est un textophage Johnny. Dysnarratif, morphématique et phonétique est son discours qui injecte du signifiant dans le signifié. Elémentaire et nodal, son questionnement : la vie me fut infligée, que fais-je en ce monde ? Son dit m’épate. Comme moi Johnny est un pluridéviant multipode.

Surtout, j’aime Johnny pour la couleur de ses yeux. Nous avons les mêmes yeux. Pers. La déesse aussi, disait Homère. Alors, pour mon idole, j’ai le regard de Minerve.

Et puis, dans la vie on côtoie des intellectuels. A Encrage, tenez, ils veulent aller plus loin, toujours plus loin. C’est dur d’être à la hauteur. Et quoi qu’on dise, la substance grise, c’est gris. Je suis sensible à la couleur. Avec Johnny, je m’éclate, je jette mon intellect aux orties et mes instincts font rage. Quand, moulé dans son habit de lumière, il crache ses tripes, c’est une orgie de couleurs. Je ne suis plus qu’une poupée de viande voluptueusement livrée au fauve. La Belle. La Bête. Et l’éternel retour, en somme. On a beau être féministe, de temps en temps, ça repose…

Mais pas de Johnny. »

Signé Iseult. Encrage N°5. Octobre 1979

 (*Son nom d’auteur est maintenant Claire Fourier)

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