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Comprendre les ressorts de la vie culturelle d’une région : la mobilisation des élus fait la différence !

Luc Le Chatelier analyse les situations culturelles des deux Régions des Hauts-de-France :

« Dans le gros chantier de réorganisation des treize nouvelles grandes Régions (au lieu de vingt-deux), alors que les dotations de l’Etat sont à la baisse et le chômage au plus haut, la culture jouera-t-elle la variable d’ajustement ? (…)

Dans les Hauts-de-France, le Nord-Pas-de-Calais (quatre millions d’habitants, plutôt urbains) et la Picardie (deux millions, dans un territoire plus vaste et plus rural)(…) cumulent tous les handicaps : tissu industriel en miettes, PIB par habitant le plus faible de France métropolitaine, illettrisme qui touche 12 % de la population adulte, soit cinq points de plus que la moyenne nationale. Et Marine Le Pen qui séduit 40 % des électeurs…

Elu grâce au retrait du candidat de gauche, Xavier Bertrand, le nouveau président (LR) de la Région, déclara le 3 janvier (on aurait dit Malraux à l’inauguration de la Maison de la culture d’Amiens) : « Je veux que chaque petit Nordiste, chaque petit Picard puisse être confronté aux peintures de Watteau, aux Pêcheurs de perles de Bizet, à la poésie de La Fontaine, de Claudel, à la danse, à la sculpture, aux arts dans leur ensemble. […] La politique culturelle est là […] pour permettre la rencontre entre le Beau et le possible dans chacun de nos villages, dans chacun de nos quartiers. »

Avec la foi du nouveau converti — qu’a-t-il fait pour les arts quand il était maire de Saint-Quentin ? —, Xavier Bertrand promit quelques semaines plus tard, à l’occasion des 50 ans de la Maison de la culture d’Amiens, justement, de sortir le carnet de chèques. D’ici la fin du mandat, en 2020, le budget culture des Hauts-de-France passera de soixante-dix millions d’euros par an à cent dix. Tout va donc pour le mieux dans la plus nordiste de nos régions ?

(…) Le Collectif régional arts et culture(…) pointe des disparités considérables entre les deux anciennes Régions pour ce qui concerne les budgets culturels et les politiques menées.

Dans le Nord-Pas de Calais, sous l’impulsion de personna­lités socialistes comme Pierre Mauroy, Martine Aubry ou Daniel Percheron, la culture sert d’étendard depuis quarante ans. Avec des investissements lourds dans de gros équipements (scène nationale du Channel à Calais, Frac à Dunkerque, salle du Nouveau Siècle pour l’Orchestre na­tional de Lille…), un réseau de musées unique en France (le Louvre-Lens, la Piscine à Roubaix, le LaM à Villeneuve-d’Ascq, le musée Matisse du Cateau-Cambrésis, le Centre historique minier de Lewarde), et des grands événements destinés à valoriser l’image du territoire (Lille 2004 puis Lille3000, et, tous les deux ans depuis 2007, la désignation d’une « capitale régionale de la culture »).

Ces politiques volontaristes ont-elles eu des effets tangibles ? Economiquement, les études du ministère tendent à montrer qu’un ­euro investi dans la culture en rapporte trois ou quatre au territoire, notamment dans le secteur du tourisme. Le théâtre, la danse, les musées, les tournages, l’éducation artistique (liste non exhaustive) représentent aussi sur l’ensemble de la grande Région quelque vingt-huit mille emplois (Insee 2015).

Reste néanmoins une grosse épine dans le pied des cultureux, mais aussi des politiques : malgré tous leurs efforts de démocratisation en matière d’accueil des publics, de médiation, de quasi-gratuité, une part significative de la population ne se sent pas concernée, comme le déplore Catherine Ferrar, administratrice générale du Louvre-Lens : « Dans la Galerie du temps, beaucoup de gens d’ici, les anciens du textile ou des charbonnages, brisés par des décennies de soumission au patron, étaient persuadés qu’on leur montrait des copies. Avec eux, c’est toujours la même chanson : « On n’est pas assez bien », « C’est pas pour nous »… » Alors, elle mise sur les enfants, leur émerveillement, leur imaginaire. Mais voilà qu’avec Vigipirate, les classes sont interdites de sortie.

Pendant toutes ces années, en Picardie, c’était le calme plat. Aucun élu ne s’est mobilisé sur le moindre projet. Comme si les cathédrales de Noyon, Senlis, Soissons, Amiens, Laon et Beauvais — parmi les plus belles de France, il est vrai — suffisaient au rayonnement culturel. Même l’Etat, par le biais de la Drac, donnait ici deux fois moins que chez les Nordistes. Et la Région est aujourd’hui dans le bas du tableau pour ce qui concerne les salles de cinéma, les théâtres, les musées.

Bien sûr, il y a la Maison de la culture d’Amiens qui, depuis cinquante ans, fait un travail formidable dans les domaines les plus variés, du spectacle vivant au cinéma, en passant par les arts plastiques, la production musicale avec un label de jazz, et même les jardins avec le festival annuel des Hortillonnages. Pour le reste…

En l’absence d’équipements, la Région s’est surtout focalisée sur le soutien aux compagnies, aux artistes en résidence et aux projets en zones rurales. Elle a aussi mené des actions sensibles en matière d’éducation artistique et culturelle en milieu scolaire.

Résultat : on compte maintenant d’un côté sept scènes nationales, un centre chorégraphique et deux centres dramatiques nationaux, un pôle des arts du cirque, un opéra, un orchestre symphonique, un Frac flambant neuf…

Et de l’autre, une seule scène nationale, un orchestre réduit qui n’a pas de salle, un Frac relégué dans une ancienne maison de correction pour jeunes filles. Les budgets sont en rapport : cinquante-six millions d’euros (dont dix pour le seul Louvre-Lens) dans le Nord-Pas-de-Calais, quatorze millions en Picardie, soit quatorze euros par habitant d’une part, et sept de l’autre.

Ce constat, tout le monde l’admet.(…)

L’ambiance, pas toujours au beau fixe, risque de se dégrader encore dans un avenir proche. Pas du côté de la Drac, elle aussi obligée de se regrouper à Lille (les services de l’archéologie restant à Amiens), mais qui a musclé son budget pour « mettre de l’huile dans les rouages ». Non, le maillon faible, ce sont les départements : pris à la gorge par des dépenses sociales qui ne cessent de gonfler, l’Oise, la Somme et le Nord ont commencé à tailler dans leur budget culture, avec des coupes claires du côté de la scène. Même si leur intervention restait souvent minoritaire, leur retrait aura des conséquences sur la création. Un exemple ? La Maison de la culture d’Amiens perdrait deux cent quatre-vingt-cinq mille euros, ce qui représente « seulement » 3 % de son budget, mais « l’équivalent de ma saison d’automne partie en fumée », déplore son patron, Gilbert Fillinger, qui n’a pas dit son dernier mot. » Telerama (extraits)

http://www.telerama.fr/scenes/la-difficile-harmonisation-culturelle-des-hauts-de-france,141752.php

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