ATELIER D’ECRITURE : « J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant »

« J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant »

Que ces mots de Prévert vous emmènent vers la poésie, la fiction, le conte, la réflexion philosophique ou l’autobiographie…c’est comme vous le souhaitez…On peut inclure la phrase de Prévert dans le texte mais ce n’est pas obligatoire.

C’est parti…

Véronique

  • J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant.

Je l’ai rattrapé in extremis par le col de la chemise.

Eh toi ! Tu vas où ?

Il m’a regardé de ses beaux yeux tristes, il n’a rien dit, il tenait la porte grande ouverte sur le jour qui tombait.

J’avais même pas vu que le jour allait tomber. C’est dire comme je faisais attention à rien. J’ai secoué le bonheur en le prenant aux épaules, son silence me portait sur les nerfs.

Pourquoi tu t’en vas hein ?

D’accord je t’avais pas vu. J’ai pas fait gaffe. Je pensais à autre chose. Y a tellement de choses à penser.

Qu’est-ce que tu vas faire, là ? Relever le jour et le consoler de sa chute ? Le faire se lever de nouveau pour quelqu’un d’autre ? Quelqu’un qui sera plus vigilant, plus reconnaissant que moi ? T’es vexé ?

Tu t’appelles comment déjà ? J’ai oublié ton nom. Faut pas m’en vouloir. Tout passe si vite. L’enfance, la jeunesse, les amours, les ambitions…On a le temps de rien. Et toi tu passes. Tu préviens pas, tu dis rien, faut qu’on se débrouille tout seul, sans mode d’emploi. Tu te rends pas compte qu’on trouve ça normal quand tout va bien.

T’es là, tu t’installes au soleil dans un coin du salon. Y a plein de trucs dans ton sac On a qu’à choisir. Tout est offert par la maison, y a rien à dire. Tout est gratuit. Y a qu’à le vouloir. J’ai pas pris le temps de bien regarder. Tu me remontrerais pas non des fois ? Une deuxième chance, c’est trop demander ?

Y avait quoi dans le sac que j’ai pas vu ?

Le soleil dans le salon. D’accord. Y a pas de quoi en faire une histoire, si ? Et puis, attends, je cherche…T’en va pas. Y avait son visage à elle, c’est ça ? Ses yeux, ses cheveux emmêlés le matin au réveil, ses petites rides sur les tempes et puis son corps blanc, fragile, dans la lumière de la salle de bains.

Putain, je me rappelle.

Y avait la chaleur du bol de café sur la paume des mains, le pain frais que je ramenais de la boulangerie parce que le pain frais c’est meilleur. Y avait sa bouche et la confiture de framboise qui collait au premier baiser. Y avait…Attends, pars pas ! Je vais me rappeler…

Y avait les dimanches à la mer, quand on enlevait nos sandales et qu’on allait marcher au bord des vagues. Et tant pis si ça mouillait le pantalon. Le cri déchiré des goélands, le vent froid sur nos visages et le soir au resto, les moules jaunes et le vin blanc. Et mon pied nu qui remontait le long de sa jambe sous la table. Je me souviens même que ça lui donnait la chair de poule sur les bras. Tu vois…Tout me revient.

Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Dans ton sac, je sais, y avait plein d’autres trucs. La beauté des cerisiers en fleurs en avril, le chant des oiseaux le matin quand je me levais tôt pour aller bosser. Y avait les coups de fil inattendus qui prenaient soin de moi sans que je demande rien. Y avait les mots qu’on dit sans y penser vraiment. Je t’aime. Qu’est-ce qu’on est bien. On fait quoi pour les vacances en juillet ? T’es sûre que tu veux un enfant avec moi ?

Y avait la grande paix de la nuit, les étoiles, la pleine lune, le sourire des voisins, le bouquin trop génial, le tableau qui bouleverse au détour d’un musée austère, le spectacle qui vous laisse baba, les couchers de soleil, la solitude des chemins de randonnée, y avait le silence quand tout est dit, qu’on a même plus besoin de parler pour que ce soit doux, rassurant.

On croit que c’est acquis pour toujours.

Un peu plus, je voyais pas que t’allais te barrer. Comme elle, que je revois plus jamais. Attends…Est-ce que j’ai droit à un deuxième tour ? A une nouvelle chance ?

Ferme la porte, tu veux bien ?

Retournons au soleil dans le salon.

J’ai supplié le bonheur d’ouvrir son sac de nouveau.

Mais doucement, il s’est dégagé de ma main. J’ai eu l’impression soudain qu’il avait pitié de moi.

Il a refermé la porte.

Sans la claquer.

Véronique Garrigou -16 avril 2020

  • Le petit bonheur

Il était une fois un petit bonheur qui s’accrochait ici ou là, au gré du vent heureux. Quelques minutes sous un porche amoureux, quelques heures sur un  visage lumineux, des mois durant dans un logis harmonieux.

Il aime ses compagnons, les petits bonheurs vagabonds, qui bruissent dans l’air du temps, s’arrêtant et repartant, toujours en mouvement dans le monde ondoyant.

Les sourires, les yeux pétillants, les mots bienveillants, je te serre dans mes bras, tu écoutes mon coeur qui bat, la première jacinthe des bois, le cerf-volant sur la mer, les vieilles mains de grand-père.

Le petit bonheur vagabond un jour de printemps oublie sa route. Un haut mur, le murmure de la prière, le silence prospère. Il entre sur la pointe de ses pieds ailés et se pose sur le lutrin de bois brun.

Il regarde les figures rubicondes ou décharnées, les barbes généreuses ou clairsemées, les sandales cirées usées, astiquées au bonheur enraciné. Sans lui.

Sans moi ? Le petit bonheur ne comprend pas. Le petit bonheur ne sait pas. Le petit bonheur pleure.

Va voir le capitaine, susurrent  ses compagnons vagabonds.

Pontifiant sur son nuage étincelant, le capitaine a souri :

Le grand bonheur, petit bonheur, c’est pas le même district. Le catalogue est strict. A toi les délices fugitifs, les éphémères, les clandestins. A moi les perpétuels, les éternels, les immortels. Veux-tu ma place de capitaine ?

Le petit bonheur dit non, non, non, je suis un papillon.

Il rejoint ses compagnons vagabonds. Il vole et butine ici ou là, au gré du vent heureux. Quelques minutes sur le jardinier qui taille son rosier, l’enfant  qui tète goulûment,   le pâtissier qui polit sa pièce montée.

Quelques minutes, quelques heures, quelques mois, le petit bonheur s’accroche ici ou là.

Françoise Quéruel, 16 avril 2020

  • Elle n’avait jamais compris pourquoi tous parlaient du bonheur – ou du malheur d’ailleurs – avec un éclat spécial dans les yeux.

Pour le bonheur, l’éclat était de la brillance, une lumière qui ne peut rester enfermée, qui « éclate », c’est ça ! Pour le malheur c’est la lampe qui s’éteint, la brillance qui devient terne.

Le bonheur, le malheur, ça fait partie de la vie. Il faut les prendre avec le certificat de naissance, et faire avec ! Sans trop se réjouir et surtout sans pleurnicher !

 Pourtant, elle se souvient souvent de « Veuf » un livre de Jean-Louis Fournier qui l’a bouleversée. L’auteur parle du  départ  de son épouse, Sylvie, morte en se penchant pour ramasser une feuille d’automne pendant une balade en forêt. Il écrivait quelque chose comme « Elle n’a pas fait de bruit en partant , elle riait ou parlait et l’instant d’après elle n’était plus. » Je ne sais plus les mots exacts, il faudrait chercher mais ce serait tricher. Lecture lointaine, mais le souvenir est très persistant. Car, elle l’a tout de suite admis, c’est ça le bonheur, volatile. On ignore ce sentiment comme on ignore le lever du soleil chaque matin ou le sourire de la boulangère… Car il semble évident que l’autre est là, c’est normal puisqu’on a décidé d’être ensemble. On n’y prend plus garde, on ignore ce bonheur bien qu’on le sache présent au fond de nous. Et soudain, il n’est plus !

 Peut-être est-ce l’ambiance actuelle, les mauvaises nouvelles qui arrivent de partout, l’envie de chercher un peu de bonheur n’importe où qui guident ses doigts sur le clavier ce matin.

Elle sourit en pensant à un nid de merles et ses œufs bleus au bord de la haie. Aux jeunes enfants de ses nouveaux voisins qui cherchent des œufs, en chocolat ceux-là. À une petite fille qui téléphone pour dire qu’elle est déplâtrée… À l’annonce qu’un vétéran de la 1ère guerre mondiale salue les infirmières en sortant de réanimation. Au neveu de cette amie dont le bébé vient de naître et va très bien, merci . Elle ne connaît pas les parents, elle ne verra sans doute jamais ce bébé. Et pourtant, à ce moment, un immense bonheur. Pas de la joie au fond de l’âme , non, un instant inestimable de bonheur .

La joie se sera pour la découverte d’un traitement, d’un vaccin, qui permettront enfin d’être joyeux...

Alors, troublée, elle cherche – et n’a pas de mal à en trouver – les petits bonheurs qu’elle oublie de regarder, dont elle néglige de remercier celui, ceux, qu’il faudrait remercier. Elle fait l’inventaire – court, trop court – de ceux qu’elle a procurés.

Elle s’était promis de ne pas écrire de journal de confinement. Mais ce n’en est pas un… C’est un souvenir de lecture qui s’enchaîne à d’autres souvenirs.

Il lui reste au moins quatre semaines pour se prouver qu’elle peut progresser ! Comprendre pourquoi tous parlent du bonheur – ou du malheur d’ailleurs – avec un éclat spécial dans les yeux.

Amener dans le regard de ceux qu’elle est autorisée à croiser un peu de  brillance, une lumière qui ne peut rester enfermée, qui « éclatera», c’est ça ! Elle éclatera ! Faire en sorte que la lampe ne s’éteigne pas, que la brillance ne ternisse pas.

Encore heureux qu’on va vers l’été !

Brigitte. 16 avril 2020

  • La porte se ferme sur les rires d’hier, le dernier câlin s’est imprimé dans les corps, j’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant.

Le bonheur est dans la vie, dans le partage. La joie se communique et se partage ainsi que le chagrin et les peines mais la puissance des sentiments fleurit en chacun de nous.

On souhaite le bonheur pour tous, pour être heureux, loin d’oublier la détresse ou le malheur.

L’être a besoin d’être heureux pour rayonner, pour donner de l’espoir, pour vivre, pour regarder, pour partager.

Le bonheur est caché, tapi au creux de nous, présent on est debout, si discret lorsqu’il est absent car on ne l’a pas entendu refermer la porte.

On rêve des jours heureux, dans la mélancolie d’un crépuscule au-dessus de la mer, dans le son d’une voix forte d’homme ou d’une voix au timbre léger d’une femme qui  voltige dans les souvenirs troublants, émouvants, qui montent aux lèvres dans la curiosité de la culture, des arts, dans des choses banales pour un accord tendre et mystérieux dans l’amour quand la pomme tombe, l’homme trouve le bonheur

Quand le petit enfant se pose sur le sein de sa mère, son porte-bonheur.

Le bonheur est simple dans le présent au quotidien, il est gratuit.

C’est le compagnon avec lequel on est tout le temps, c’est soi-même car si on se méprise on ne sera jamais heureux.

Le bonheur n’est pas mou ni soumis, il constructeur de forces,

Le bonheur est la liberté.

♥♥♥♥♥♥♥

Le bonheur des âmes fortes (Giono)

Où est le bonheur, infortuné ? le bonheur ô mon Dieu, vous me l’avez donné (Victor Hugo)

Claudine

  • Une parole de velours,

Un frisson d’amour.

Le chant d’un oiseau,

Dans l’arbre là-haut.

Ciel saturé de bleu,

Les larmes aux yeux.

Un sourire aimant,

Un regard ardent.

Un concerto de Mozart,

Une oeuvre d’art.

La naissance d’un petit,

Un souffle de paradis.

Un parfum poivré,

Ouvreur de félicité.

Un air d’embruns vibrants,

Pour l’âme vivifiant.

Un coeur qui s’affole,

Un froissement d’herbes folles.

Une promenade en été,

 Dynamique liberté…

Ces étincelles de bonheur parfois timides, parfois violentes se sont évaporées un jour : »pft », j’ai même cru pour toujours. 

J’ai basculé vers un gouffre où tout est gris, vide, insensé.  

J’ai été ballottée, coquille de noix sur l’océan déchainé. J’ai prêté mon corps souffrant, un sac de chair et d’os. J’ai été réduite à l’état d’objet, processus de dépouillement, déshumanisation où il ne restait peut-être que l’âme.

Les étincelles de bonheur sont revenues plus vives qu’avant, plus savoureuses, plus précieuses, même si c’est être heureuse par petits bouts.

Danièle

  • – Qu’est-ce que tu caches là, dans ce cahier ?

– Je ne cache pas, je collectionne

– Tu collectionnes quoi ?

– Ce qui se sauve sans crier gare

– Pour pas oublier ?

– Oui, c’est ça, mon chéri

– Pourquoi tu souris, moi, je m’ennuie ?

– La fenêtre m’apporte les odeurs du printemps

– Tu veux bien me montrer ?

– Là, installe-toi bien sur mes genoux. Ecoute et respire

– Ca sent bon, c’est de l’eau de Cologne que tu as mis sur ton mouchoir ?

– Tu sais, Maman était en colère. Tu avais laissé un mouchoir dans ton gilet.

– Y’en avait plein la machine et sur le linge !

– Avec les mouchoirs en tissu, on n’avait pas ce problème mais il paraît que c’est pas hygiénique !

– Te fâche pas, je voulais pas te faire de la peine

– Je n’ai pas de peine mais le monde change et n’a plus de place pour le bon sens !

– Allez, vas te chercher un mars, sur le buffet !

– Dans ton cahier, tu sais, sur la cheminée

– Oui

– Je pourrais, quand je serais grand, y mettre nos parties de dominos ?

– Oui, mon chéri

– Pourquoi tu pleures ?

– C’est le bonheur mon chéri

– Ah bon !

– Dis, on va au jardin ? on cherchera des escargots

– A condition que tu me soutiennes

– Oh hisse

– Tu sais, je ne pourrai pas me baisser pour les ramasser tes escargots !

– Je sais, t’inquiète !

– J’en mettrai dans ton mouchoir, celui en tissu, celui que tu caches, là

– Fripouille, va !

– Et on leur fera faire la course sur la table de la cuisine

– Mon chéri, tu veux bien me faire un peu de lecture ?

– Mais,  Mamisou, tu sais bien que je ne sais pas encore lire !

– Justement, tu vas m’inventer une belle histoire

– Elle t’a pas plu mon histoire ?

– Oh, si, elle était belle !

– Menteuse, tu t’es endormie

– J’étais partie sur les ailes de ton histoire

– En ronflant, c’est ça !

Après la cérémonie, j’ai besoin de revenir dans la maison de Mamisou. Je veux arriver avant les cousins. Sur la cheminée, il est là. Je le mets dans la poche de mon veston.

Sur la couverture, j’écrirai ce petit texte de Prévert : « j’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant ».

Nicole Avenel

  • Un peu de plaisir

Quelques soupirs

Et le sommeil les saisissait.

Pierre, Paul ou Jacques s’esquivaient sans une caresse sans un regard chaussures à la main et se glissaient sans bruit jusqu’à la porte.

Au matin la main de Suzie caressait un drap déjà froid.

Ils s’endormirent bras et jambes emmêlés

Au lever du soleil

John jaillit du lit

La bouilloire siffla

Les tasses se bousculèrent

la cloche de bois avait sonné

L’air bruissait d’aise.

Roselyne          Le bonheur en partant m'a dit - Comme Des Mots               

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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