Une exposition consacrée à Gabritschevsky.

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A la Maison Rouge, une exposition monographique est consacrée à l’œuvre d’Eugen Gabritschevsky (1893–1979), généticien et artiste d’origine russe, relativement peu connu hors du champ de l’art brut.
Pour la première fois une exposition d’envergure réunit 230 œuvres de diverses provenances (Collection de l’Art Brut de Lausanne, MNAM, collections privées) ; sont présentés les premiers dessins de l’artiste avant son internement à Munich, mais surtout un ensemble très important d’œuvres réalisées entre les années 1930 et 1960, qui par leurs thèmes et leurs techniques dévoilent une créativité, une invention, à découvrir absolument.
Le projet est coproduit par trois institutions, qui l’accueilleront tour à tour. Après la maison rouge à Paris, l’exposition sera présentée à la Collection de l’Art Brut à Lausanne de novembre 2016 à février 2017, puis à l’American Folk Art à New York de mars à août 2017.

Une publication publiée aux éditions Snoeck présentera la somme d’études récentes sur cette œuvre riche.

Dans le journal Le Monde :

Eugen Gabritschevsky est un savant et un artiste russe, né à Moscou en 1893. Il est mort à Eglfing, en Bavière, en 1979, à l’hôpital psychiatrique d’Eglfing-Haar, où il avait été interné en 1931. Il y a vécu quarante-huit ans et n’en est sorti, clandestinement, que durant la seconde guerre mondiale, pour échapper à l’euthanasie des malades mentaux exécutés par les nazis.

Dans la brève première partie de sa vie, Gabritschevsky a été un biologiste brillant. Il a été autorisé par le régime soviétique à continuer ses travaux à l’université Columbia, aux Etats-Unis, où il s’est établi en 1924.(…)

Ses recherches portent sur la transmission génétique des caractères morphologiques chez les mouches, les bourdons ou les araignées et, en particulier, sur l’hérédité des couleurs. Il part finalement pour Paris où il est accueilli, en 1927, à l’Institut Pasteur.

Mais cet homme, aux capacités hors du commun, manifeste, à partir de 1927, des troubles du comportement, « angoisses devant des gens inoffensifs, histoires de complots dirigés contre lui », rapporte son frère Georg, dès lors son protecteur.

De ces premiers signes paranoïaques à une détérioration plus grave, il ne se passe que deux ans. Invité à l’université d’Edimbourg, Eugen ne peut y rester, revient à Munich, où l’essentiel de sa famille est installée, et est interné à Eglfing-Haar peu après.(…)

Petit format, couleur

Telles sont les données biographiques : un grand chercheur qui est atteint de délires à partir de l’âge de 34 ans et passe un demi-siècle interné. Dans la lettre de 1946, il continue : « Puis je me suis occupé de peinture tout le temps avec frénésie, voulant m’oublier dans ce travail pour ne rien voir ni entendre d’un monde méchant, d’une intrigue immonde, épouvantable, atroce, exécrable (…) qui consistait à réduire mon existence à une vie de détenu. »

Gabritschev­sky est l’auteur de plusieurs milliers – cinq mille est une estimation basse – d’œuvres sur papier ou carton, crayons, encres, aquarelles et surtout gouaches. Elles sont exécutées tantôt sur des feuilles récupérées dans l’hôpital, tantôt sur calque.

Plus de deux cents de ses œuvres sont présentées à La Maison rouge pour ce qui est, de loin, la plus importante exposition monographique qui lui ait jamais été consacrée. Et celle-ci est l’une des plus remarquables expositions que l’on puisse voir à Paris ces temps-ci.(…)

Tout le contraire d’un autodidacte

Que Gabritschevsky, qui a reçu dans son adolescence une formation complète et a fréquenté les expositions de l’avant-garde russe, ait une culture artistique et technique ne fait aucun doute. Il maîtrise la fluidité de la gouache et de l’encre qu’il aime à faire tourbillonner ou s’éparpiller.

Ses gestes sont précis et leur succession prévue et dominée. Surgissent de temps en temps des réminiscences de l’art allemand du temps de Dürer et Altdorfer, des allusions à l’art du décor d’opéra, d’autres au romantisme dans sa version fantastique – Füssli à coup sûr, Blake peut-être.

Il a étudié bien des planches d’entomologie, d’anatomie et de botanique : étant donné ses recherches, ce n’est pas une surprise. Des relevés archéologiques dans des revues savantes aussi ? On doit le supposer, devant ses dessins en frises superposées. La paléontologie ne lui est pas plus inconnue que l’astronomie et elles se rencontrent du côté des zodiaques et des blasons, qu’il connaît aussi. Il est tout le contraire d’un autodidacte, d’un artiste « brut » dans la langue de Jean Dubuffet, lequel a été néanmoins pionnier dans sa lente découverte à partir de 1960.

image: http://s1.lemde.fr/image/2016/07/23/534×0/4973721_6_4300_sans-titre-gouache-sur-papier-48×63-cm_f2031d5260838f350563b58e3c5568e5.jpg

Sans titre gouache sur papier 48x63 cm

Sans titre gouache sur papier 48×63 cm GALERIE VENCE

Puissance expressive, angoisse

Son œuvre surgit d’on ne sait quels abysses. A un certain moment, après 1931, les connaissances et les images que Gabritschev­sky le savant a amassées sont précipitées dans le processus créatif de Gabritschevsky l’interné.

Là, elles sont chargées de puissance expressive, d’angoisse et de significations symboliques. Naissent des hybrides qui tiennent du bacille, du reptile, de l’insecte. Flottent des spectres qui grimacent et tirent la langue. Gonflent des humains mous à visages d’embryons et batraciens. Des oiseaux sanguinaires se posent sur le papier, frères de ceux qu’a imaginés Max Ernst. Tous sont vivants, indiscutablement : cela se voit à leurs yeux brillants.

« M’oublier dans le travail », écrit Gabritschevsky. S’y trouver plutôt. Certaines de ses peurs se reconnaissent vite. De nombreuses gouaches sont ainsi des expériences d’enfouissement ou d’engloutissement. D’autres, plus nombreuses encore, sont des cauchemars de la prolifération et de la multitude : des animalcules à apparence de têtards humanoïdes s’étirent en cortèges ou s’accumulent en masses mouvantes, encadrés par des architectures noires, monumentales et carcérales.

Que peint-il alors ? Son terrible état d’enfermé évidemment. La situation de l’Allemagne au temps du IIIe Reich ? Sans doute. Sait-il que Dachau est une banlieue de Munich ? Probablement, puisqu’il a été enlevé de l’asile pour échapper à l’euthanasie. Si ses œuvres ont une telle intensité, c’est parce qu’elles ont une signification universelle. Gabritschevsky le paranoïaque tient la chronique bouleversante d’un siècle effroyable.

Eugen Gabritschevsky (1893-1979). La Maison rouge, 10, boulevard de la Bastille, Paris 12e. Tél. : 01-40-01-08-81. Du mercredi au dimanche de 11 heures à 19 heures, jeudi jusqu’à 21 heures. Entrée : de 7 € à 10 €. Jusqu’au 18 septembre.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/arts/article/2016/07/23/gabritschevsky-savant-fou-sauve-par-l-art_4973722_1655012.html#afvYj2d5mdDzudQ6.99

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